Ainsi nous avons comparé les principaux problèmes techniques et physiques de cette période avec les recherches en physique à l'époque et nous arrivons à la conclusion qu'ils étaient déterminés principalement par les enjeux économiques et techniques que la bourgeoisie montante plaçait au premier plan. […] Les universités féodales luttèrent contre la nouvelle science avec une force identique à celle qui opposait les relations féodales agonisantes aux nouvelles méthodes progressistes de production. (1)
La société industrielle, issue de la révolution industrielle du XIXe siècle, est en train de prendre de plus en plus rapidement une forme nouvelle, issue de ce que l'on a appelé successivement révolution scientifique et technique (2), puis révolution informationnelle (3), (et aussi parfois computationnelle, numérique, cognitive…) qui évoque une rupture dans l'évolution de nos civilisations due aux développements récents des sciences et des techniques dans les domaines de l'information. La période actuelle a aussi vu la naissance du terme technosciences, qui veut signifier que sciences et techniques sont totalement imbriquées et indissociables. Parmi elles, les Nouvelles Technologies de l'Information (NTI) jouent un rôle majeur dans ces transformations, qu'il s'agisse de la production de biens (qui reste cependant majoritairement dans le domaine marchand et capitaliste) ou de la vie personnelle. Il implique aussi que la finalité actuelle assignée à la recherche par les pouvoirs politiques et économiques est de favoriser les inventions techniques destinées à accroître la compétitivité des entreprises, appelées innovations.
Les sciences du complexe sont impliquées à plusieurs niveaux dans ces évolutions, bien au- delà du développement des ordinateurs qui a certes joué un rôle de premier plan dans celui de ces disciplines. Mais ce n'est qu'un élément relativement mineur dans les interactions entre celles-ci et les transformations économiques et sociales actuelles. Il y a des rapports réciproques forts entre révolution du complexe et révolution informationnelle, qui se sont d'ailleurs manifestées grosso modo simultanément, et sont aussi concomitantes avec l'émergence du capitalisme financiarisé néolibéral. Celui-ci va exercer une influence directe sur les politiques scientifiques des pays développés, sans que changent fondamentalement les rapports de production, c'est-à-dire les formes de propriété et de domination.
Il est donc nécessaire d'analyser comment ces rapports de production jouent concrètement sur le développement des sciences du complexe, et quelle est leur articulation avec la révolution informationnelle. Nous verrons comment, aux obstacles épistémologiques, s'ajoutent et s'articulent des obstacles socio-économiques qui en freinent ou en dévient, voire en dénaturent, le développement.