Puisque l'analyse, l'étude des parties est le fondement de l'esprit critique cartésien, le choix même de considérer toute chose au sein du système auquel elle peut appartenir (choix dont j'ai dit qu'il est le socle de la pensée du complexe), ne semble-t-il pas s'opposer à la rationalité ? Sans compter que la chose immobile, résultat de l'analyse, prime sur les processus de transformation si bien que la pensée dominante ne pousse pas à prendre en compte les processus, les dynamiques. Il y a d'un côté la matière qui se divise presque à l'infini, d'un autre côté le mouvement et d'un troisième côté la forme. Difficile donc de penser que la matière est indissociable du mouvement dont naît sa forme, idée forte de la dialectique matérialiste. Difficile de penser l'émergence comme une propriété qui fait que le tout est différent de la somme de ses parties, tout en dépendant de ces parties. Donc la démarche analytique de la pensée dominante représente là encore un frein puissant à la pensée dialectique tout autant qu'à la pensée du complexe.
Comme nous l'avons déjà vu la pensée dominante s'est développée dans le cadre d'une épistémologie linéaire (proportionnalité et additivité des causes et des effets) qui amène à décomposer aussi les processus en une chaîne d'événements successifs, avec une cause première, initiale, unique (le bouc émissaire !), et avec l'idée que les effets sont forcément proportionnels aux causes.