L'hégémonie de l'idéologie néolibérale, après la dégénérescence puis l'implosion du « camp socialiste », c'est la pensée unique, le fatalisme, l'idée que l'économie néolibérale est la seule alternative possible. Cela inclut le rejet et discrédit de tout ce qui rappelle le marxisme (1), de la lutte des classes au matérialisme, en passant par toute tentative d'explication globale, disqualifiée sous les termes de grand récit ou d'utopie. Mais c'est la dialectique, cette logique des transformations qui est particulièrement bannie, tandis qu'une forme de pensée statique, simpliste et disjoignante reste dominante.
Ce contexte idéologique dans lequel s'est développée la révolution du complexe, a certainement contribué à la sous-estimation de l'intérêt et même de l'existence d'une pensée du complexe, émergeant de la révolution du complexe. D'une part, parce que la logique dialectique matérialiste est un outil privilégié pour penser le complexe, comme nous l'avons vu. D'autre part parce que l'idéologie dominante s'appuie sur et renforce un mode de pensée où le rationalisme cartésien a été figé sous une forme simpliste et linéaire, opposée comme nous l'avons vu à toute pensée du complexe. Ce mode de pensée imprègne l'enseignement et stérilise donc en retour le développement de la pensée du complexe, et plus profondément des sciences dont elle émerge et dont elle assure la cohérence.
Les récentes prises de conscience liées à la crise systémique du capitalisme se sont traduites par un certain retour de Marx et par la multiplication des réflexions et des expériences qui forment une sorte de mouvance post-capitaliste, par laquelle la complexité est souvent recrutée. Sans constituer (encore) un contexte idéologique nouveau, cela permet cependant d'en envisager l'occurrence.
(1) Rejet qui, partant de la caricature de marxisme ayant régné en URSS, s'étend, sans faire la distinction, à toutes les formes de marxisme et de communisme, qu'il empêche de connaître et dont il justifie l'inutilité de les connaître.