Face au complexe, nécessitant un renouvellement parfois dramatique du mode de pensée, il n'est donc pas étonnant qu'on ait assisté à un rejet parfois haineux qui rappelle celui rencontré par les grandes révolutions scientifiques. On mentionne par exemple le rôle (indiscutable), de la religion dans le rejet des théories de Copernic et de Galilée, mais peut-on imaginer la réaction du sens commun, lorsqu'on a demandé aux gens (essentiellement lettrés pourtant) de croire que la Terre bouge, puis qu'elle est sphérique et que les habitants des antipodes marchent la tête en bas ? (1). Plus récemment, Paul Langevin écrivait, à propos de la relativité :
Il est difficile à notre cerveau de s'habituer à ces formes nouvelles de la pensée (2)
La révolution du non-linéaire représente à mes yeux une révolution conceptuelle aussi importante que la révolution copernicienne, en ce qu'elle bouleverse, elle aussi notre vision du monde. Nous allons voir qu'en cela elle reçoit le soutien de la logique dialectique, qui précisément s'est construite dans les failles de la logique formelle pour comprendre les transformations, donc les dynamiques, et qui a dans de nombreux cas anticipé les résultats des sciences du complexe (3). Le fait que la révolution du complexe se soit développée dans une période où les conditions politiques et idéologiques avaient fait presque totalement disparaître la dialectique et tout particulièrement la dialectique matérialiste du paysage conceptuel a, je pense, contribué à ses difficultés face à la pensée linéaire, non seulement dans le sens commun mais aussi dans les sciences.
(3) Ceci ne prouve pas la véracité des sciences du complexe, mais montre la perspicacité de la pensée dialectique.