[…] la biologie n'est pas une science unifiée. L'hétérogénéité des objets, la divergence des intérêts, la variété des techniques, tout cela concourt à multiplier les disciplines. Aux extrémités de l'éventail, on distingue deux grandes tendances, deux attitudes qui finissent par s'opposer radicalement. La première de ces attitudes peut être qualifiée d'intégriste ou d'évolutionniste. Pour elle, non seulement l'organisme n'est pas dissociable en ses constituants, mais il y a souvent intérêt à le regarder comme l'élément d'un système d'ordre supérieur, groupe, espèce, population, famille écologique.
Cette biologie s'intéresse aux collectivités, aux comportements, aux relations que les organismes entretiennent entre eux ou avec le milieu […]. Le biologiste intégriste refuse de considérer que toutes les propriétés d'un être vivant, son comportement, ses performances peuvent s'expliquer par ses seules structures moléculaires. Pour lui, la biologie ne peut se réduire à la physique et à la chimie […] parce que, à tous les niveaux, l'intégration donne aux systèmes des propriétés que n'ont pas les éléments. Le tout n'est pas seulement la somme des parties.
À l'autre pôle, de la biologie se manifeste l'attitude opposée qu'on peut appeler tomiste ou réductionniste. Pour elle, l'organisme est bien un tout mais qu'il faut expliquer par les seules propriétés des parties. Elle s'intéresse à l'organe, aux tissus, à la cellule, aux molécules. La biologie tomiste cherche à rendre compte des fonctions par les seules structures. […] On voit combien diffèrent ces deux attitudes. Entre les deux, il n'y a pas seulement une différence de méthode et d'objectifs, mais aussi de langage, de schémas conceptuels et par là-même d'explications causales dont est justiciable le monde vivant. (2)