La première et la plus importante fonction de la pensée du complexe, est le choix, (la décision) de considérer un système, un phénomène, un processus, en tant que système complexe. Autrement dit, il s'agit d'envisager et de comprendre l'organisation globale des interactions entre les éléments qui le constituent, et si possible sa dynamique, ses transformations, son évolution (et non d'en analyser simplement les composantes, comme le fait la pensée cartésienne/simplifiante, ni de le voir uniquement dans sa globalité comme le fait la systémique). Ce choix n'est pas facile à faire, parce qu'il heurte souvent nos habitudes de pensée les plus ancrées (voir Pensée cartésienne, simplifiante, dominante). Mais surtout parce qu'il est bien souvent impossible de déterminer l'ensemble des éléments à relier non seulement parce que l'on peut toujours en oublier, mais, plus fondamentalement, parce qu'il y a plus d'un système auquel le phénomène considéré puisse être rattaché. Ceci implique un deuxième choix, celui des critères à utiliser, du point de vue à privilégier. Tout choix suit un point de vue qui est obligatoirement partiel et partial, mais qui permet de révéler un aspect de la réalité. Autrement dit, il est indispensable d'accepter l'incomplétude de la démarche, incomplétude qui la rapproche d'une démarche scientifique et qui, souvent, appelle aussi une pluralité de points de vue.
Poser la nécessité de ce choix comme acte premier de la pensée du complexe, n'entraîne à ce stade aucune transposition de concepts scientifiques et rejoint d'ailleurs, pour s'en nourrir, à la fois la pensée complexe et les démarches systémiques lorsqu'elles sont dynamiques. Comme elles, la pensée du complexe est différente de la pensée classique (cartésienne, linéaire, analytique), qu'elle soit savante ou non. Comme elles, cette pensée, s'intéressant à la dynamique d'un processus dans sa globalité, en recherche la multiplicité des causes, c'est-à-dire la multiplicité des interactions entre les objets qui peuvent être hétérogènes, mais aussi les interactions entre ces interactions, autrement dit les régulations, les rapports entre les acteurs du processus, et à l'émergence de propriétés à des niveaux supérieurs. Edgar Morin a parfaitement caractérisé les implications, les difficultés et l'impérieuse nécessité d'un tel choix, de même que la nécessité, non pas de remplacer mais d'intégrer en la dépassant la pensée simplifiante.