Du côté de la physique, il y eut l'étude théorique des tourbillons, par Ruelle (1) et Takens, qui forgèrent, dans les années 70, l'expression attracteurs étranges ou encore un groupe d'étudiants américains « déviants » qui se constituèrent en collectif des systèmes dynamiques à la fin des années 70. On peut encore citer Hao Bai Lin auteur de Une forme d'ordre sans périodicité et le danois Per Bak (2) qui, partant de l'étude théorique d'un tas de sable où se produisent des glissements de taille variée et imprévisible proposa en 1987 la théorie de la criticalité auto-organisée qui eut d'importantes répercussions dans de nombreuses disciplines.
La formation d'un tas de sable
Université de Liège, Belgique
En biologie les études de dynamiques proie/prédateurs se sont multipliées en écologie, tandis que le microbiologiste belge René Thomas mettait en évidence dès 1981 l'importance des boucles de rétroaction positive dans le processus de modifications épigénétiques et que le biologiste belge Deneubourg étudiait, in vivo et in silico des populations de fourmis, modèle merveilleux d'auto-organisation. De son côté, aux USA, Stuart Kauffman surfait sur des réseaux d'interactions pour montrer le comportement contraint de systèmes, même très compliqués, pourvu qu'ils présentent un nombre restreint d'interactions. Il en déduisait que la vie n'était en rien due à un événement exceptionnel, mais au contraire, avait inéluctablement dû apparaître. Un peu plus tard, les systèmes informatiques dits systèmes multi-agents, permirent de simuler l'auto-organisation de systèmes biologiques tels l'amibe sociale Dyctiostemium discoideum, ou les bancs de poissons et les vols d'étourneaux. (Ces travaux furent le fait d'informaticiens et n'intéressèrent que rarement les biologistes).
Des sciences humaines enfin vinrent grossir le mouvement. Certains utilisèrent les modélisations et simulations : des économistes en étudiant les variations des cours du marché du coton, retrouvèrent les attracteurs étranges, des géographes, des juristes trouvèrent dans les modèles complexes des méthodes plus adéquates pour décrire leurs systèmes, des sociologues découvrirent les courbes en S montrant la non-linéarité de la progression des idées, des psychologues, à la suite des neurologues (on retrouve ici Varella) utilisèrent ces concepts nouveaux à travers des modélisations.
D'autres travaillèrent seulement avec les concepts du complexe : on retrouve Edgar Morin, qui forme un domaine transdisciplinaire à lui seul, le groupe de Palo Alto, tout comme l'école des Annales qui continuent leur progression et la systémique, qui se développait à la fois de façon quantitative et qualitative. Mais les deux univers allaient rester séparés (voir Le complexe comme mode de pensée).